Demeurer hors du temps dans une totale intégration à la nature.
Quand j’ai connu la période impressionniste je l’ai trouvée trop légère.
Comme bien d’autres, j’ai finalement été porté vers la seule lumière, celle du ciel et de l’eau.
C’était la pierre de touche à laquelle il m’était impossible de ne pas dédier une partie de mon œuvre.
Quand j’ai connu la période impressionniste je l’ai trouvée trop légère.
Comme bien d’autres, j’ai finalement été porté vers la seule lumière, celle du ciel et de l’eau.
C’était la pierre de touche à laquelle il m’était impossible de ne pas dédier une partie de mon œuvre.
Le vrai ne réside pas dans les apparences. La vérité intrinsèque nous échappe, bien que et parce que nous en sommes nous-mêmes une parcelle infime. Obsession de l’infini, oui, mais jonction de l’infiniment grand et de l’infiniment petit construits, semble-t-il, selon une même grande loi. Dès mes débuts, je me suis attaqué à ce que je sentais être mon point faible : la composition. Cette question m’a hanté car je percevais que travaillant en dimensions définies, le problème n’était pas comparable à celui du photographe qui fractionne un ensemble . Non, le peintre se doit de faire une œuvre adaptée à son format, vive dans son format et constituant un monde à elle seule.
Le besoin d’apprendre à construire était donc en moi ? Mes meilleurs professeurs, je les ai trouvés dans la nature, là où elle paraît offrir des objets finis, de l’arbre à la feuille, de la montagne au caillou. J’ai aussi beaucoup interrogé la grande peinture, surtout l’italienne avec ses grands bâtisseurs : Cimabué, Giotto, Piero della Francesca, Mantegna, Filippo Lippi, Masaccio ? J’en vénère bien d’autres.
Vint ensuite un besoin de synthèse. L’art léger, si je puis m’exprimer ainsi, s’en tire toujours, précisément en éludant le problème. Tous les grands ont démontré qu’ils étaient à la fois coloristes, dessinateurs, constructeurs. Eh bien ! si des artistes tel Rembrandt y sont parvenus, n’est-ce pas là une preuve tangible de cette possibilité ? C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, dans le cercle de mes amis, Rembrandt m’est le plus cher, celui auquel je consacre plus de temps, sans doute parce qu’il a le goût du danger et de l’aventure. Ne faut-il pas meubler ses yeux d’œuvres qui peuvent avoir une suite, que l’on chérit profondément et dont on aimerait devenir un des continuateurs ?
Durant la guerre, les musées étaient fermés et je n’ai pu voir en premier lieu que la peinture contemporaine qui m’a fait négliger pendant longtemps la période impressionniste que je ne connaissais pas mais avec laquelle il s’est avéré que mes premières œuvres avaient de grandes affinités . Affinités qui ont refait surface, il me semble, dans mes dernières peintures, qui n’ont rien à voir avec tel ou tel impressionniste mais qui peuvent s’en réclamer du point de vue de l’assise. Quand j’ai connu cette période impressionniste, je l’ai trouvée trop légère et j’ai finalement été surtout attiré par Poussin. Est-ce également la phrase de Cézanne qui m’a porté vers Poussin ? Cézanne proposait comme idéal de “ faire du Poussin d’après nature. ”Toujours est-il que j’éprouve aussi pour cet artiste un culte tout particulier. De prime abord il paraît froid, mais si l’on regarde bien, Poussin est un peintre considérable qui console de n’avoir eu, en France, ni Titien ni son contemporain Giovanni Busi (dit Cariani) si injustement méconnu à l’ombre de son prestigieux égal. Mais, que serait devenu Poussin si Titien ne l’avait précédé ? Et qu’eût été Titien s’il n’avait eu Giorgione comme prédécesseur ? Ce besoin de lignées à continuer me semble vital, et cuistres ceux qui prétendent partir de zéro.
Mais revenons à mes débuts d’après nature, “ sur le motif ” disaient les impressionnistes. En rentrant chez moi avec mon travail, je ne rencontrais que déceptions. Il n’y avait plus rien. Alors petit à petit, je me suis rendu compte que la beauté d’une promenade dans un beau pays ne réside pas uniquement dans la beauté plastique mais dans une foule d’autres impondérables, les bruits, par exemple, les bruits de la nature, les concerts que je distingue souvent et dont seuls le vent et les feuilles sont les instruments. Les peupliers ne sont-ils pas des arbres musiciens ? Voilà ce que, peu à peu, j’ai tenté de rendre.
Mon appel au monde minéral a débuté avec la construction, trop apparente au départ. Puis la nostalgie des arbres vint et il me fallut chercher les forêts. Mais on ne peut pas tout concilier et habiter à portée d’œil de la grande forêt et, tout à la fois, du désert de pierres. Il y a donc eu le règne végétal. Ensuite, comme bien d’autres, j’ai été porté vers la seule lumière, celle du ciel et de l’eau. C’était finalement la pierre de touche à laquelle il était impossible de ne pas dédier une partie de l’œuvre. Ce fut pour moi un grand tournant qui coïncide avec des recherches d’autres matières. La peinture habituelle trop chargée en huile et le vernis qui l’accompagne suscitent des reflets qui rendent très difficile de voir dans son entier une grande toile, particulièrement dans les musées. D’où mes recherches techniques grâce auxquelles l’éclairage n’amoindrirait pas la qualité de l’œuvre. Reste aux spécialistes à retrouver artificiellement l’irremplaçable lumière du jour. Je me suis donc embarqué dans la peinture mate dont la plus grande difficulté est de ne pas boucher l’atmosphère, ne pas perdre la vie. Ai-je réussi ? Ce n’est pas à moi d’en décider . En faisant jouer les couches du dessous, il se passe un phénomène assez équivalent à celui que l’on constate lorsque certains papillons prennent l’envol : leur apparence terne lorsqu’ils sont posés devient éclat de couleurs dès qu’ils s’envolent. C’est cela qui m’a impressionné, non du point de vue esthétique car je n’aime pas le clinquant, mais du point de vue des possibles. Dans ma vie cette intégration à la nature me semble à son maximum ? dans la peinture, je ne sais pas puisqu’Elle, la Nature, possède l’infini. Notre intégration ne peut se faire qu’en tenant humblement compte de nos limites. Comment ignorer celles-ci ? Devant jouer avec temps et espace, nous n’avons pas la possibilité d’aborder un infini qui nous fuit. Si nous courons sans cesse après lui nous demeurons malgré tout dans le fini de nos moyens. La mise hors du temps ne peut être qu’une aspiration ? J’aime m’en laisser imprégner.
Roger Lambert-Loubère
Le besoin d’apprendre à construire était donc en moi ? Mes meilleurs professeurs, je les ai trouvés dans la nature, là où elle paraît offrir des objets finis, de l’arbre à la feuille, de la montagne au caillou. J’ai aussi beaucoup interrogé la grande peinture, surtout l’italienne avec ses grands bâtisseurs : Cimabué, Giotto, Piero della Francesca, Mantegna, Filippo Lippi, Masaccio ? J’en vénère bien d’autres.
Vint ensuite un besoin de synthèse. L’art léger, si je puis m’exprimer ainsi, s’en tire toujours, précisément en éludant le problème. Tous les grands ont démontré qu’ils étaient à la fois coloristes, dessinateurs, constructeurs. Eh bien ! si des artistes tel Rembrandt y sont parvenus, n’est-ce pas là une preuve tangible de cette possibilité ? C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, dans le cercle de mes amis, Rembrandt m’est le plus cher, celui auquel je consacre plus de temps, sans doute parce qu’il a le goût du danger et de l’aventure. Ne faut-il pas meubler ses yeux d’œuvres qui peuvent avoir une suite, que l’on chérit profondément et dont on aimerait devenir un des continuateurs ?
Durant la guerre, les musées étaient fermés et je n’ai pu voir en premier lieu que la peinture contemporaine qui m’a fait négliger pendant longtemps la période impressionniste que je ne connaissais pas mais avec laquelle il s’est avéré que mes premières œuvres avaient de grandes affinités . Affinités qui ont refait surface, il me semble, dans mes dernières peintures, qui n’ont rien à voir avec tel ou tel impressionniste mais qui peuvent s’en réclamer du point de vue de l’assise. Quand j’ai connu cette période impressionniste, je l’ai trouvée trop légère et j’ai finalement été surtout attiré par Poussin. Est-ce également la phrase de Cézanne qui m’a porté vers Poussin ? Cézanne proposait comme idéal de “ faire du Poussin d’après nature. ”Toujours est-il que j’éprouve aussi pour cet artiste un culte tout particulier. De prime abord il paraît froid, mais si l’on regarde bien, Poussin est un peintre considérable qui console de n’avoir eu, en France, ni Titien ni son contemporain Giovanni Busi (dit Cariani) si injustement méconnu à l’ombre de son prestigieux égal. Mais, que serait devenu Poussin si Titien ne l’avait précédé ? Et qu’eût été Titien s’il n’avait eu Giorgione comme prédécesseur ? Ce besoin de lignées à continuer me semble vital, et cuistres ceux qui prétendent partir de zéro.
Mais revenons à mes débuts d’après nature, “ sur le motif ” disaient les impressionnistes. En rentrant chez moi avec mon travail, je ne rencontrais que déceptions. Il n’y avait plus rien. Alors petit à petit, je me suis rendu compte que la beauté d’une promenade dans un beau pays ne réside pas uniquement dans la beauté plastique mais dans une foule d’autres impondérables, les bruits, par exemple, les bruits de la nature, les concerts que je distingue souvent et dont seuls le vent et les feuilles sont les instruments. Les peupliers ne sont-ils pas des arbres musiciens ? Voilà ce que, peu à peu, j’ai tenté de rendre.
Mon appel au monde minéral a débuté avec la construction, trop apparente au départ. Puis la nostalgie des arbres vint et il me fallut chercher les forêts. Mais on ne peut pas tout concilier et habiter à portée d’œil de la grande forêt et, tout à la fois, du désert de pierres. Il y a donc eu le règne végétal. Ensuite, comme bien d’autres, j’ai été porté vers la seule lumière, celle du ciel et de l’eau. C’était finalement la pierre de touche à laquelle il était impossible de ne pas dédier une partie de l’œuvre. Ce fut pour moi un grand tournant qui coïncide avec des recherches d’autres matières. La peinture habituelle trop chargée en huile et le vernis qui l’accompagne suscitent des reflets qui rendent très difficile de voir dans son entier une grande toile, particulièrement dans les musées. D’où mes recherches techniques grâce auxquelles l’éclairage n’amoindrirait pas la qualité de l’œuvre. Reste aux spécialistes à retrouver artificiellement l’irremplaçable lumière du jour. Je me suis donc embarqué dans la peinture mate dont la plus grande difficulté est de ne pas boucher l’atmosphère, ne pas perdre la vie. Ai-je réussi ? Ce n’est pas à moi d’en décider . En faisant jouer les couches du dessous, il se passe un phénomène assez équivalent à celui que l’on constate lorsque certains papillons prennent l’envol : leur apparence terne lorsqu’ils sont posés devient éclat de couleurs dès qu’ils s’envolent. C’est cela qui m’a impressionné, non du point de vue esthétique car je n’aime pas le clinquant, mais du point de vue des possibles. Dans ma vie cette intégration à la nature me semble à son maximum ? dans la peinture, je ne sais pas puisqu’Elle, la Nature, possède l’infini. Notre intégration ne peut se faire qu’en tenant humblement compte de nos limites. Comment ignorer celles-ci ? Devant jouer avec temps et espace, nous n’avons pas la possibilité d’aborder un infini qui nous fuit. Si nous courons sans cesse après lui nous demeurons malgré tout dans le fini de nos moyens. La mise hors du temps ne peut être qu’une aspiration ? J’aime m’en laisser imprégner.
Roger Lambert-Loubère
Ce site web a été créé par Gabrielle Vitry en collaboration avec Monique Lambert, épouse de Roger Lambert-Loubère.